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mardi 31 mars 2015

Le Premier arbre, Jules Supervielle

Le Premier arbre 


C'était lors de mon premier arbre,
J'avais beau le sentir en moi
Il me surprit par tant de branches,
Il était arbre mille fois.
Moi qui suis tout ce que je forme
Je ne me savais pas feuillu,
Voilà que je donnais de l'ombre
Et j'avais des oiseaux dessus.
Je cachais ma sève divine
Dans ce fût qui montant au ciel
Mais j'étais pris par la racine
Comme à un piège naturel.
C'était lors de mon premier arbre,
L'homme s'assit sous le feuillage
Si tendre d'être si nouveau.
Etait-ce un chêne ou bien un orme
C'est loin et je ne sais pas trop
Mais je sais bien qu'il plut à l'homme
Qui s'endormit les yeux en joie
Pour y rêver d'un petit bois.
Alors au sortir de son somme
D'un coup je fis une forêt
De grands arbres nés centenaires
Et trois cents cerfs la parcouraient
Avec leurs biches déjà mères.
Ils croyaient depuis très longtemps
L'habiter et la reconnaître
Les six-cors et leurs bramements
Non loin de faons encore à naître. I
ls avaient, à peine jaillis,
Plus qu'il ne fallait d'espérance
Ils étaient lourds de souvenirs
Qui dans les miens prenaient naissance.
D'un coup je fis chênes, sapins,
Beaucoup d'écureuils pour les cimes,
L'enfant qui cherche son chemin
Et le bûcheron qui l'indique,
Je cachai de mon mieux le ciel
Pour ses distances malaisées
Mais je le redonnai pour tel
Dans les oiseaux et la rosée.

Jules Supervielle

1 commentaire:

  1. -

    Tu voles de branche en branche,
    Dans ton mouvement, secouant la rosée,
    Accrochée sur les feuilles.
    Je veux te rejoindre.
    Tu n'es pas si loin .
    Je fais quelques pas dans le jardin .
    Je suis sous l'arbre où tu t'es assise.
    Celui-ci est couvert de mousse.
    Je m'appuie dessus, et ma main s'enfonce,
    Elle disparaît.
    Le tronc m'appelle ainsi.
    Mon bras suit la main.
    Plus loin.
    Comme si une porte s'ouvrait.
    Jusqu'alors dérobée au regard humain.
    J'y entre tout entier.
    La porte se referme,
    Je n'y vois plus rien.
    Juste quelques rais de lumière
    Passant dans les fentes du bois.
    Il se passe quelques heures,
    Il y fait humide et chaud.
    J'y suis bien.
    Je n'entends plus ta voix.
    J'ai dû tomber dans un profond sommeil.
    Je me réveille.
    Je veux bouger.
    Ce n'est pas la peine .
    Toute une série de fibres m'enserre,
    Me relie à l'intérieur.
    De mon corps des excroissances
    Venues des épaules, de mes doigts,
    Font corps avec le creux que j'habite.
    Mes cheveux se sont fondus
    Dans une écorce intérieure moelleuse.
    Je ne cherche pas à me débattre,
    A retourner d'où je viens.
    D'abord je ne le pourrais pas.
    Je m'habitue à 'autres sens,
    D'autres sensations,
    Elle celle toute particulière,
    Du sang, remplacé peu à peu
    Par la sève, qui me traverse,
    Et monte en moi,
    Par les racines,
    Que j'arrive à situer...
    Mieux... à sentir
    Une sève légèrement amère et sucrée,
    Fluide, très fluide...
    D'instinct je sais la distribuer,
    Identifier les branches,
    Le poids du feuillage,
    Et d'où vient le vent.
    Tu es assise assez loin du sol.
    Tu as ta place favorite.
    De temps en temps tu t'envoles,
    Mais reviens me rendre visite.
    Tu sais que mes mains sont larges,
    Et que je t'attends.

    -
    RC-- voir sur le blog ( https://ecritscrisdotcom.wordpress.com/2015/05/03/etre-et-arbre-rc/)

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